HOMMAGE
Publié le 09/11/2023
La Grande Guerre fut une véritable hécatombe pour le sport français. En effet, 424 sportifs de haut-niveau ont connu un destin tragique durant le conflit. Un impressionnant nombre malheureusement gonflé par les noms de 121 rugbymen, recensés notamment par l’historien du sport Michel Merckel (14-18 le sport sort des tranchées, Edition Cairn). Proportionnellement il s’agit du total le plus important toutes disciplines confondues…
Les Bleus durement touchés
Souvent réputés pour leur robustesses et issus du monde rural, la plupart des joueurs de l’époque étaient envoyés en première ligne. Engagés essentiellement dans l’infanterie, les rugbymen n’ont pas été épargnés et la discipline a lourdement été impactée. Pour preuve, lors de la reprise des rencontres internationales en 1920, seuls 4 joueurs du XV de France de 1914 étaient encore vivants et présents sur le terrain pour affronter l’Ecosse.
Du TOP14 à la PROD2, ces noms sont désormais évoqués tous les weekends et sans véritablement s’en rendre compte nous permettent de rendre hommage.
Aimé Giral tout d’abord, jeune ouvreur catalan qui a guidé l’USAP vers le premier titre de son histoire en 1914. Précis face aux perches, le buteur perpignanais, alors tout juste âgé de 18 ans va passer la délicate transformation de la victoire (8-7) contre Tarbes. Engagé dans l’infanterie, il sera mortellement blessé l’année suivante lors de la bataille de la Marne. Le stade Perpignan porte aujourd’hui son nom.
Issu d’une famille aisée et dentiste de profession, Alfred Armandie découvre le rugby au début du XXe siècle. Il se passionne rapidement pour ce sport venu d’Angleterre et décide, avec une bande de copains, de monter une équipe qui sera à l’origine du SU Agen actuel. Appelé sous les drapeaux dans le régiment d’infanterie coloniale, le virevoltant trois-quarts, ne reviendra pas de la guerre. Il décède dans la Marne en 1915 mais laisse derrière lui un immense héritage et un nom associé à l’un des temples du rugby français.
Le nom de Maurice Boyau est celui d’une légende de l’aviation et du sport français à la fois. Membre des fameux « as » il s’illustre dans les airs recevant légion d’honneur, mérites militaires et croix de guerre. Médailles qui s’ajoutent à son palmarès de rugbyman, conséquence d’une belle carrière sous les maillots de Dax, Bordeaux et du Racing. Troisième ligne, il sera sacré de champion de France avec le Stade Bordelais en 1911 et portera le maillot bleu à 4 reprises durant les Tournois des 5 Nations 1912 et 1913. Il sera abattu en vol en septembre 1918 mais le mythe va perdurer, son nom étant donné au stade de l’USD.
Jean Bouin. En voilà un nom qui résonne depuis bien des saisons quand il s'agit de parler de rugby. Et pourtant, si le natif de Marseille a peut-être essayé de faire virevolter la balle ovale, cette discipline n'était pas sa préférée. En effet, c'est en athlétisme que ce dernier excellait. Course de fond, cross, 5 000 et 10 000 mètres… Jean Bouin était un athlète exceptionnel à la renommée mondiale et dont l'élan a été fauché par un obus en septembre 1914, dans la Meuse. Le sportif s'en est allé mais le nom est resté pour toujours. Préservé à jamais, le patronyme de la légende désigne de nombreux complexes sportifs dont l'antre du Stade Français Paris.
Jamais trophée n’a aussi bien porté son nom. Durant la parenthèse de la première guerre mondiale le rugby a continué d’exister au travers de la coupe de l’Espérance. Le championnat étant à l’arrêt, les instances du rugby de l’époque décident de lancer une compétition pour entretenir la flamme. Inaugurée en 1916, la coupe invite les grands clubs de l’époque à participer malgré la situation. Ces derniers lacent alors, faute d’effectif suffisant, les jeunes en équipe première. 5 éditions vont se dérouler de 1916 à 1919 et une ultime en 1940. La première finale opposant « déjà » le Capitole à la Capitale tournera à l’avantage de Toulouse. Nantes s’imposera en 1917, le Racing suivra en 1918 et enfin Tarbes en 1919. La compétition a aujourd’hui disparu mais a permis au rugby de survire durant le conflit.
L'équipe du Racing vainqueur du trophée lors de la saison 1917-1918
Joueur mythique et artiste de talent, l’ancien international français, Jean-Pierre Rives œuvre désormais en tant que sculpteur. Dès lors, il était le mieux placé pour réaliser un monument hommage à tous les joueurs de rugby ayant perdu la vie aux champs d’honneur entre 1914 et 1918. Presque 100 ans plus tard, le 16 septembre 2017 à Craonnelle, dans l’Aisne, lieu de la bataille du « chemin des dames », furent érigés « Les Rubans de la mémoire ». Boucles d’acier symbolisant là où il y un siècle, le métal déformé par la violence des combats est venu arrêter la course de brillants joueurs de ballon ovale sous l’uniforme.